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L’artiste suisse Daniel Spoerri est mort à Vienne le 6 novembre, à 94 ans. Il a été l’un des créateurs les plus inventifs et novateurs de la seconde moitié du XXe siècle, et son influence a été considérable sur bien des artistes venus après lui.
Il naît le 27 mars 1930 à Galati (Roumanie) sous le nom de Daniel Feinstein, d’un père juif converti au protestantisme et devenu pasteur et d’une mère de nationalité suisse. En 1939, la famille se déplace dans la ville de Iasi. La Roumanie est alors gouvernée par le général Antonescu, à la tête d’un régime fasciste et antisémite. Le 27 juin 1941, lors du pogrom de Iasi, qui fait plus de 12 000 victimes juives, son père est assassiné. En 1942, grâce à sa nationalité suisse, sa mère parvient à quitter la Roumanie avec ses enfants et à rejoindre Zurich, où Daniel, devenu Spoerri par précaution, est hébergé par l’un de ses oncles, recteur de l’université.
Après des années de scolarité chaotique et de voyages en Europe en auto-stop, il commence en 1949 des études de danse à Zurich, qu’il continue à Paris à partir de 1952, jusqu’à devenir premier danseur de l’Opéra de Berne en 1954, place qu’il occupe jusqu’en 1957. Mais, à Paris, il fait des rencontres déterminantes, dont celle du poète roumain Ghérasim Luca, et partage un temps la vie du couple que forment alors les artistes Jean Tinguely et Eva Aeppli, suisses comme lui. A Berne, il rencontre la surréaliste Meret Oppenheim et, en qualité de metteur en scène, monte La Cantatrice chauve, d’Ionesco, et la première mondiale sur scène du Désir attrapé par la queue, de Picasso.
Sa notoriété lui vaut un engagement pour deux ans par le théâtre de Darmstadt (Allemagne) en 1959 – de quoi vivre, autrement dit –, mais cette année est surtout celle de son installation à Paris, en août, à l’Hôtel Carcassonne, rue Mouffetard, que le long séjour qu’il y fait, y attirant ses amis, a rendu célèbre. Parmi ces derniers, outre Tinguely, se trouvent aussi Yves Klein et Robert Filliou. Ils assistent à ses débuts d’artiste : un morceau de mur crépi détaché et présenté comme une peinture, et des assemblages de débris. Il les expose dès décembre 1959 dans la galerie d’Edouard Loeb.
La suite est connue. Le 27 octobre 1960, sous son nom complet de Spoerri-Feinstein, il signe le manifeste du nouveau réalisme dans l’appartement d’Yves Klein. Il y a là, outre le critique Pierre Restany, Hains, Villeglé, Dufrêne, Arman, Raysse et Tinguely, qui défend la présence de Spoerri contre les réticences d’Hains. Il aurait dit : « Le tableau de Spoerri, c’est comme cette table. Il colle, c’est tout. Il n’embellit pas. Il ne retranche rien. » Ces phrases sont si justes et prophétiques que l’on se demande si elles furent ainsi prononcées ou ont été « améliorées » par la mémoire de Spoerri. Elles définissent en effet exactement sa théorie et sa pratique. Fixer des objets, quels qu’ils soient, sur la surface où ils se trouvent disposés par hasard, sans intervenir. Spoerri les colle et fait basculer l’ensemble de l’horizontale à la verticale. Il les nomme « tableaux-pièges ».
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